Entrevue avec Magali Lelabousse, infirmière libérale

Le quotidien d’une infirmière libérale

Témoignage de Magali Lelabousse, infirmière libérale, participante à l’assemblée populaire et citoyenne.

Peux-tu nous décrire ton quotidien dans la période en tant qu’infirmière libérale ? Cela fait maintenant une semaine que nous sommes sous adrénaline. En effet, nous nous fédérons entre infirmiers grâce aux associations pour que chacun ait le matériel adéquat pour la prise en charge de patients covid19. J’avais quelques masques chirurgicaux en stock que je porte depuis le 9 mars , dès lors qu’il y a eu les premiers cas dans la région. Très vite je me suis rendue compte que mon petit stock faiblissait ( il s’agit de masques destinés à protéger mes patients de mon éventuelle contamination , puisque l’on peut être porteur sain.

J’ai travaillé dur ces derniers jours afin de mettre nos ressources en commun, j’ai passé beaucoup de temps au téléphone pour élaborer des stratégies de prise en charge et me suis renseignée sur le virus pour savoir à quoi j’avais affaire. J’ai du moduler ma tournée afin de caler un créneau pour les patients infectés en fin de tournée du matin et en fin de tournée du soir. J’ai aussi repensé ma voiture en la compartimentant ( endroits propres , endroits potentiellement contaminés). Je dois dire que mon mari (infirmier) et moi nous nous sommes fait des « nœuds au cerveau ».

Chez mes patients habituels , je ne m’assois plus , ne pose plus mon blouson pour ne rien contaminer. Ils sont tous âgés ou avec des pathologies pouvant aggraver la situation et potentiellement nécessiter une hospitalisation, ce que nous voulons éviter autant que possible à nos confrères hospitaliers.

Je déplore vraiment le manque de matériel (surblouses, lunettes de protection ,masques ffp2, thermomètre…). Je ne pensais pas que nous serions laissés à l’abandon par l’Etat. Bien sûr dans ce genre de situation d’urgence chacun doit réfléchir individuellement à sa façon de procéder mais le matériel quand même ! Dans un pays comme la France…

J’avoue que je me sens un peu comme de la chair à canon et j’ai parfois eu envie de me défiler mais vite, en se soutenant avec les collègues on s’est dit à l’unanimité, et pour éviter aux soignants hospitaliers une saturation de leur service, que nous allions faire face.

La malette d’une infirmière libérale à domicile


Selon toi, les mesures annoncées par le gouvernement sont-elles adaptées ? Je ne peux pas vraiment me prononcer sur les mesures prises par le gouvernement. Ils ont opté pour une  stratégie avec des conseillers scientifiques et je ne peux remettre en cause les mesures de confinement , d’immunité nationale ou autre. Ce que je déplore c’est vraiment le manque de matériel et le fait que l’hôpital public souffre ( et pas en silence !) depuis de nombreuses années , et que les hospitaliers ne sont jamais écoutés. C’est honteux , on se retrouve face aux conséquences d’une gestion désastreuse de la santé et le président, même avec ses plus belles louanges, ne nous émeut pas : il fallait s’émouvoir avant ! Le manque de matériel, le manque d’effectifs c’est l’hôpital qu’ils ont voulu .. mais là, ça va exploser.


Comment vois-tu les semaines à venir ? Les semaines à venir risquent d’être difficile, tant à l’hôpital qu’en ville. A l’hosto les équipes vont être submergées. A la ville , c’est pas mieux : je suis sur les listes des volontaires pour prendre en charge les patients covid et on m’a demandé si j’étais prête pour le télésoin ( je ne sais pas encore de quoi il s’agit vraiment) ou pour participer à des téléconsultations, qui, si j’ai bien compris (car jamais pratiquée) aurait pour but de faire de nous, infirmiers libéraux, les yeux du médecins au travers d’outils informatiques. Enfin, les semaines à venir sont tellement incertaines pour chacun d’entre nous, j’avance au jour le jour, faut aller de l’avant non ?


Quel rôle pourrait jouer notre assemblée populaire et citoyenne ?

Ce que je peux demander à notre assemblée citoyenne c’est de respecter les décisions prises par l’Etat : on pourra régler les comptes après (de notre côté, nous n’y manquerons pas!), mais là il faut se contenter de faire ce que l’on nous dit.

Donc, ça va faire un peu répétita mais restez chez vous !

L’assemblée pourra aussi continuer de soutenir l’hôpital public une fois la crise sanitaire derrière nous, en se joignant à la lutte qui sera entamée post pandémie. Continuez d’applaudir le soir, ça me fait pleurer dans ma voiture lorsque je suis sur le terrain mais ne nous oubliez pas après, quand tout ira mieux.

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