Le RN aimerait avoir une belle image, mais la réalité est là !

Nous allons collecter ici quelques articles intéressants sur le RN dans le Var…

Au sommaire :

https://www.liberation.fr/politique/var-le-maire-de-cogolin-proche-deric-zemmour-dans-le-viseur-de-la-justice-20231024_Z6PRSBZLUBEUJEI55PMBYTLCWM/

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Var : le maire de Cogolin, proche d’Eric Zemmour, dans le viseur de la justice

Article de Libération du 24 octobre 2023

Edile de la commune varoise depuis 2014, Marc-Etienne Lansade est l’une des rares figures locales de Reconquête. Mais cet ancien entrepreneur immobilier, qui multiplie les chantiers dans sa commune, enchaîne aussi les mises en examen. 

Eric Zemmour et le maire de Cogolin, Marc-Etienne Lansade, le 14 mai 2022. (Alain Robert/SIPA)

par Tristan Berteloot

publié aujourd’hui à 8h26

Il semble loin le temps où Marc-Etienne Lansade se planquait sous les radars pour éloigner la presse de ses frasques locales. Le maire de Cogolin (Var), élu en 2014 sous les couleurs du Front national, quittait trois ans après le parti, mettant en cause sa ligne politique. Il chantonnait alors vouloir «reprendre sa vie», loin de «la surexposition» causée par l’étiquette criarde du mouvement d’extrême droite. Elle lui aurait «causé des problèmes». Et gêné ses projets. A l’époque, Lansade s’offre à cette petite commune littorale comme un «spécialiste en immobilier», formé au Levallois affairiste époque Balkany, pas là pour jouer les potiches du lepénisme municipal, mais pour transformer la pierre en cash. Un peu trop, aux yeux de certains habitants, qui convoquent régulièrement la presse : Var MatinMariannele Canard, ont fait leurs choux gras de l’appétit de béton de cet édile à la gouaille facile, contribuant à sa mise en sourdine.

Le revoilà quelques années plus tard, à la faveur des prochaines élections européennes. On l’a aperçu, en septembre, collant aux basques de Marion Maréchal, écharpe tricolore sur le poitrail et sourire commercial devant les objectifs. La tête de liste européenne de Reconquête, le parti d’Eric Zemmour, dont Lansade est délégué départemental, avait choisi Cogolin pour lancer sa campagne. En juin, elle était venue y participer au mariage religieux de son vieil ami.

Un an plus tôt, le même Lansade jouait déjà l’ouvreur pour Zemmour, candidat aux législatives dans cette 4e circo du Var où il avait fait l’un de ses meilleurs scores à la présidentielle, frisant les 15 %, avant d’être balayé au premier tour des législatives. Lansade a traîné le parachuté sur les marchés de Saint-Tropez pour y serrer des paluches, et au Motors Festival de Cavalaire-sur-Mer pour mirer des bagnoles de collection, lui le fanatique de grosses cylindrées – on l’entendait en 2018 dans un enregistrement sonore, révélé par Var Matin, se vanter foncer «à plus de 200 sur l’autoroute […] au volant d’une BMW M4 […], un avion de chasse, cette pute» faire «la course avec un Turbo S», et pester contre «la liste de débiles» qu’il «se trimballe» dans son équipe municipale.

Portrait soyeux sur les réseaux

Lansade et Zemmour se croisaient depuis longtemps, mais sans vraiment se connaître. Les deux hommes ont été officiellement présentés par Marion Maréchal après le parrainage du premier au second pour la présidentielle 2022. Depuis, ils se sont montrés souvent ensemble, Lansade aurait été le suppléant de Zemmour s’il avait été élu. Et on spécule désormais à Cogolin sur la possibilité de voir monsieur le maire sur la liste de Reconquête aux européennes. L’intéressé, qui affiche en ce moment un portrait soyeux sur les réseaux sociaux, se garde bien de démentir, malgré la quasi-certitude qu’il ne serait pas élu, au vu des sondages. Au parti, on assure qu’il n’en est pas question à ce stade : «Il n’y a eu aucune discussion là-dessus, d’autant que ça l’obligerait à lâcher sa mairie», balaye un cadre.

Eric Zemmour et Marion Maréchal, qui vient d’annoncer sa candidature comme tête de liste aux prochaines élections européennes, sur le marché de Cogolin avec le maire de la ville, Marc-Etienne Lansade, le 9 septembre 2023. (Shootpix/ABACA)

Son nom gêne d’autant plus en interne que Lansade a sur le dos plusieurs mises en examen, notamment pour «favoritisme», «prise illégale d’intérêts», «détournement de fonds publics», dans plusieurs dossiers pour lesquels une enquête est toujours en cours, menée par la brigade financière de Marseille. Il risque lourd, comme plusieurs de ses proches, dont son ancien directeur de cabinet, Eric Giorsetti, embourbé comme lui dans une affaire de commercialisation douteuse des places du port des Marines de la ville, où Lansade est, pour sa part, mis en examen depuis 2021 pour «favoritisme», et sous le statut de témoin assisté pour «détournements de fonds publics» et «faux et usage de faux». Tous, à ce stade, sont présumés innocents.

«C’est l’élu du Sud qui bidouille dans son coin et se fait toper», minimise-t-on à Reconquête. Lansade a pourtant toujours un pied dans les affaires : il s’est récemment associé dans une boîte de travaux et import de matériaux avec Marc de Laparre de Saint-Sernin, curé à Cuers, dans ce fameux diocèse de Fréjus-Toulon dirigé par l’évêque Dominique Rey, aux liens étroits avec l’extrême droite catholique.

Tenancier de discothèque

Lansade a eu une autre vie avant la politique. Il a grandi dans le très chic XVIe arrondissement de Paris. Son père, Pierre-Charles, fut président du conseil départemental de l’Ordre des chirurgiens-dentistes de Paris. Marc-Etienne, bientôt 50 ans, a été poussé à se présenter à la mairie de Cogolin par ses deux potes Nicolas Lesage, alors directeur de cabinet de Marine Le Pen, et Louis Aliot, aujourd’hui maire de Perpignan. Le premier est un copain de fac à Assas, qui l’a introduit dans le sérail lepéniste en 2007 à un moment où le FN se résigne à vendre son très coûteux siège de Saint-Cloud (Hauts-de-Seine). Lansade l’agent immobilier va distiller quelques conseils, avant de disparaître en Croatie, comme il le raconte dans un documentaire de Public Sénat, Cogolin, ville à vendre. Le noceur invétéré devient tenancier d’un bar discothèque dans le sud du pays, le Beach Bar Fibra.

Lansade revient dans le jeu en 2011. On le croise régulièrement à l’Aventure (fermée en 2019), la boîte de nuit à la déco kitsch plantée au pied de l’Arc de triomphe, où Marine Le Pen et sa sœur Yann, la mère de Marion Maréchal, ont l’habitude d’user la moquette rouge tigrée avec une bande de frontistes fêtards, comme Jean-Lin Lacapelle, ou l’ancien patron du goupe néofaciste GUD, Frédéric Chatillon.

Lansade, qui ne connaît pas un chat à Cogolin, y débarque avec dans ses bagages Jean-Marc Smadja, cousin d’Isabelle Balkany, qui a dirigé de 2002 à 2008 la Semarelp, la société d’économie mixte de la ville de Levallois. Les deux hommes, qui n’ont pas répondu à nos sollicitations, font partie de la même loge maçonnique et participent aux mêmes déjeuners de réseautage parisiens. En octobre 2014, Smadja lui fait un joli cadeau : il acquiert une maison dans le centre de Cogolin, au 5 rue Blanqui, et la lui propose en location pour un prix dérisoire, 720 euros par mois, avait révélé à l’époque Marianne. Selon nos informations, c’était pourtant le maire qui avait, dans un premier temps, signé le compromis de vente. Mais, le jour de l’achat, chez un notaire de Grimaud (Var), l’acheteur est finalement la société Fayolle Wilson de Smadja. Pas présent le jour de la vente, celui-ci a donné procuration à Lansade. Dans cette maison du vieux Cogolin, ce dernier, fan d’Audiard, domicilie sa SCI «Il connaît pas Raoul ?». Quelques mois plus tard, le maire fait du généreux Smadja son conseiller spécial en urbanisme, sans appel d’offres. A partir de février 2015, il le rémunérera pendant trois ans 2 500 euros par mois, via une autre des sociétés de Smadja, Euromena finances. Lansade est, pour ce fait, mis en examen depuis 2021 pour «favoritisme».

Jet-set

Les ennuis du maire de Cogolin se compliquent à la même époque. Il s’acoquine avec un certain Farshad Forouzandeh, que lui a présenté l’édile de Fréjus, David Rachline, peu après son élection, lors d’une soirée au Kazaar, sa plage préférée. Le franco-iranien, aujourd’hui âgée de 51 ans, que tout le monde surnomme Faroud, partage avec Rachline le goût des montres de luxe et des soirées arrosées. On trouve parfois les deux hommes, qui n’ont pas répondu à nos questions, aux fêtes annuelles du forain Marcel Campion, plage de la Bouillabaisse à Saint-Tropez, comme Florian Philippot, alors numéro 2 du FN, Patrick Balkany, et quelques Hells Angels locaux mélangés à la jet-set faisandée en vacances dans la station balnéaire.

Comme Rachline, Faroud a barboté un temps dans les cercles d’Alain Soral, l’essayiste antisémite qui fut membre du FN. Dans son restaurant La Bonne Chaise, tenu quelques années dans le XVe arrondissement de Paris, ont notamment traîné la fine fleur des anciens du très radical GUD reconvertis dans les affaires : Frédéric Chatillon, Axel Loustau, Olivier Duguet, une galaxie d’entrepreneurs gudards qui gèrent une grande partie de l’arrière-boutique de l’ex-FN depuis que Marine Le Pen en a pris la tête, en 2011.

Quand Lansade rencontre Faroud, ce dernier gère avec sa compagne la plage de l’Epi-club à Ramatuelle (Var), où le maire aura bientôt ses habitudes nocturnes. Le 10 avril 2015, après un appel d’offres comptant parmi les deux finalistes Farshad Forouzandeh, Lansade signe avec Marie-Laurence Guillemard (l’autre finaliste) un contrat de bail pour la gestion d’un restaurant de plage de 200 m2 aux Marines de Cogolin, pour 12 000 euros par an, qu’elle nomme l’Hippie chic. En fait, «Faroud» et Guillemard sont en couple, leur union sera formalisée le 12 juin 2015 par le maire de Cogolin.

Manœuvre étrange

L’établissement prend feu un soir d’août 2016. Une association d’opposants locaux, Place publique, très active à Cogolin, découvre alors que Marie-Laurence Guillemard n’a pas contracté d’assurance pour sa plage. «Au lieu d’entraîner la rupture du bail, comme prévu dans les clauses résolutoires du contrat, écrit l’association, Marc-Etienne Lansade décide de faire prendre en charge les travaux de reconstruction du restaurant par la commune.» Ils seront ensuite remboursés par l’assurance, mais la facture est salée : 300 000 euros. D’autant que, selon Place publique, «ces travaux de réhabilitation permettent ensuite à Guillemard de revendre son bail pour une somme rondelette : 500 000 euros». Dans cette affaire, Lansade a été mis en examen en 2021 pour «favoritisme», «prise illégale d’intérêts» et «détournement de fonds publics». Quant au couple, il l’est pour «blanchiment», «fraude aux prestations à l’emploi» et, accessoirement, «recel de favoritisme», «recel de prise illégale d’intérêt», et «recel de détournements de fonds publics».

A l’époque, Place publique s’est déjà étonnée d’une autre affaire où l’on retrouve le fameux Faroud. En décembre 2014, quelques mois après leur arrivée, Lansade et Smadja confient sans le moindre appel à la concurrence à la société d’exploitation Marina Paradise, même pas encore créée (elle ne le sera que le 9 février 2015), l’exploitation d’un camping et d’un petit hôtel de vacances situés sur le terrain de l’ancien hippodrome de Cogolin, le Yotel, un joyau boisé de 13 hectares sur le littoral, en face du port des Marines. A la tête de cette société se trouve un dénommé Jean-Pierre Goldberger : il sert en fait de prête-nom à Faroud, avec qu’il est associé dans plusieurs autres entreprises. Marina Paradise dispose alors d’un bail précaire de trois ans, pour 200 000 euros annuels, mais il sous-loue immédiatement les lieux au spécialiste des campings, Homair Vacances, se sucrant au passage une «marge qui apparaît contraire aux intérêts de la commune», remarque la Chambre régionale des comptes.

En 2016, le maire décide de vendre pour 34,8 millions d’euros le terrain du Yotel au promoteur immobilier Cogedim qui, au départ, doit y construire 60 000 mètres carrés de logements. Mais, à force de recours, notamment pour le réduire en taille, le projet s’éternise. En attendant, la ville confie la gestion du camping et de l’Hôtel Club, à la nouvelle société de Goldberger, Var Gestion. Il la cédera en 2021 au véritable gérant des lieux, Farshad Forouzandeh qui, depuis, affirme que son bail précaire est en fait un bail commercial, et refuse de quitter le terrain. Lors d’un récent conseil municipal, Lansade a fait voter le provisionnement de la somme d’un million d’euros, pour que, au cas où, la commune puisse «prendre à sa charge la moitié de l’indemnité d’éviction due à l’occupant» récalcitrantL’opposition y voit une manœuvre étrange, comme un solde de tout compte à son ancien compagnon de route, avec qui il est, là encore, mis en examen depuis 2021. Et le ciel politique varois s’assombrit pour l’un des rares maires du parti d’Eric Zemmour.

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